Traditionnellement, devant toutes les juridictions de l’
ordre judiciaire, les frais de justice (débours) doivent être divisés entre d'une part, les dépens de l’article 695 du code de procédure civile (CPC), et d'autre part, les frais qui ne sont pas compris dans les dépens : il s’agit des
frais dits « irrépétibles » de l’article 700 du CPC.
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Les dépens peuvent être définis comme « les frais juridiquement indispensables à la poursuite du procès et dont le montant fait l’objet d’une tarification, soit par voie réglementaire, comme les émoluments des officiers publics ou ministériels, soit pas décision judiciaire, ce qui est le cas de la rémunération des techniciens investis d’une mesure d’instruction » (S. GUINCHARD (dir.), Droit et pratique de la procédure civile, 2012/2013, Dalloz, n° 611.21).
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Certains auteurs définissent les frais irrépétibles comme les « frais qui ne sont pas juridiquement indispensables à la poursuite du procès » (L. CADIET, E. JEULAND, Droit judiciaire privé, 8ème éd., 2013, n° 49). Il s’agit par exemple des honoraires et plaidoiries de l’avocat.
Un arrêt rendu par la
première chambre civile de la Cour de cassation le 11 septembre 2013 (pourvoi
n°12-17.794,
à paraître bulletin)
rappelle plusieurs principes importants s’agissant de l’application de l’article 700 du CPC.
La Cour y rappelle d'abord le principe selon lequel
toute partie à l’instance peut demander l’application de cette disposition à l’encontre de ses adversaires, sa demande n’étant pas subordonnée à l’admission de toutes ses prétentions.
Ainsi, comme le souligne la Haute
juridiction en l’espèce, cette disposition "
n’exclut pas de son bénéfice les parties qui interviennent volontairement dans une instance" (v. déjà en ce sens 3
ème Civ., 18 novembre 1980, pourvoi
n° 79-12.420,
Bull. 1980, III, n° 179 (rejet)).
En outre, la
Cour de cassation y confirme sa jurisprudence constante en la matière selon laquelle :
"
c’est dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qu’elle tient des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, exclusif de l’exigence de motivation, que la cour d’appel a fixé le montant des sommes allouées au titre des frais exposés"
et en déduit en l’espèce que l’allocation de ces sommes n’était de nature "
ni à créer un doute sur l’impartialité du juge ni à constituer un obstacle à l’accès à celui-ci".
En effet, la Haute
juridiction a, depuis 2002, reconnu explicitement que l’allocation de sommes au titre de l’article 700 du CPC relève du pouvoir discrétionnaire des
juges du fond, comme de la
Cour de cassation (2
ème Civ., 10 octobre 2002, pourvoi
n° 00-13.832,
Bull. 2002, II, n° 219 (rejet) ; 2
ème Civ., 6 mars 2003, pourvoi
n° 02-60.835,
Bull. 2003, II, n° 54 (rejet) ; 2
ème Civ., 22 mars 2006,
n° 04-17.215,
Bull. 2006, II, n° 85 (rejet)).
La
Cour de cassation rappelle ainsi implicitement que
le seul visa de l’article 700 du CPC suffit à considérer comme motivée une décision de condamnation sur ce fondement, au regard de l’obligation imposée par l’article 455 du CPC, et souligne que l’exercice par le juge d’un pouvoir discrétionnaire dans l’octroi de ces frais
ne méconnait pas les garanties du procès équitable de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Enfin, la
Cour de cassation applique aux condamnations au titre de l’article 700 du CPC sa jurisprudence constante, selon laquelle le prononcé d’une décision sur des choses non demandées ou l’octroi de plus qu’il n’est demandé ne constituent pas un cas d’ouverture à cassation, mais une irrégularité qui ne peut être réparée que selon la procédure prévue par les articles 463 et 464 du code de procédure civile (v. not. Com., 16 juin 1987, pourvoi
n° 86-12.493,
Bull. 1987, IV, n° 145 (rejet) ; Soc., 14 juin 2006, pourvoi
n° 04-43.123,
Bull. 2006, V, n° 215 (rejet)).
En l’espèce, le demandeur au pourvoi reprochait à la cour d’appel d’avoir méconnu les termes du litige et partant d’avoir violé les articles 4 et 5 du CPC en ce qu’elle l’avait condamné à payer en application de l’article 700 du CPC la somme de 8 000 euros à chacune des parties adverses, alors que ces dernières sollicitaient l’octroi d’une telle somme à titre d’indemnité totale pour les procédures de première instance et d’appel.
La somme de 5 000 euros leur ayant été octroyée en première instance, les parties adverses se bornaient en conséquence à demander que leur soit accordée une indemnité complémentaire de 3 000 euros.
Le demandeur au pourvoi n’était donc pas fondé à invoquer devant la
Cour de cassation une méconnaissance des termes du litige,
l’irrégularité soulevée ne pouvant être réparée qu’en formant une requête en rectification dans le délai d’un an à compter de l’arrêt d’irrecevabilité, ainsi que le prévoient les articles 463 et 464 du CPC.
Sophie Mahé et Marie Renouf (stagiaire)