7 oct. 2022 - Attention au respect du délai de convocation devant le conseil de discipline - CE 22 avril 2022 n° 452906 - F. Sebagh et J. Thibaud

Les dispositions de l'article 2 du décret du 17 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire de la fonction publique hospitalière prévoient que le conseil de discipline est tenu de convoquer le fonctionnaire poursuivi au moins 15 jours avant la date de réunion de ce conseil par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

En 2019, le Conseil d’Etat a jugé, dans un litige disciplinaire au fond, que ce délai constituait pour le fonctionnaire une garantie visant à lui permettre de préparer utilement sa défense, ce dont il résultait que sa méconnaissance avait pour effet de vicier la consultation du conseil de discipline, sauf s’il était établi que l'agent avait été informé de la date du conseil de discipline au moins quinze jours à l'avance par d'autres voies (CE, 24 juillet 2019, Fastrez, n° 416818, aux Tables).

L’affaire ici commentée est l’occasion pour le Conseil d’Etat d’étendre - ou plus simplement d'appliquer - cette solution à la fonction publique d’Etat et, autre circonstance différente, dans un pourvoi en cassation relatif à un litige de référé-suspension (CE, 22 avril 2022, n° 452906).

En l’espèce, le requérant, agent titulaire de la fonction publique d’Etat, avait fait l’objet d’une mesure d’exclusion temporaire d’une durée de deux ans. Par une ordonnance du 7 mai 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers avait rejeté la demande du fonctionnaire tendant à la suspension de l’arrêté litigieux. Le requérant avait alors formé un pourvoi en cassation.

Tout d’abord, le Conseil d’Etat rappelle la formulation précitée de l’arrêt Fastrez sur la nature juridique du délai de 15 jours au sens de la jurisprudence Danthony.

Ensuite, faisant application de ce principe, le Conseil d'Etat a constaté qu’en l’espèce, la convocation avait été notifiée le 7 octobre 2020 à l'agent, soit moins de quinze jours avant la tenue du conseil de discipline, le 16 octobre 2020. Par suite, il en a déduit que l’ordonnance attaquée, en ce qu’elle n'avait pas retenu pas que cette irrégularité faisait naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, était entachée d’une erreur de droit.

Réglant le litige de référé après cassation, comme il en a toujours la faculté en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat a fait droit à la demande de suspension du requérant, considérant que la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative était également remplie. En effet, la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans avait pour effet de priver le requérant de tout revenu.

On sait que l'erreur de droit, cas d'ouverture à cassation, connaît une accentuation en matière de pourvoi contre une ordonnance de référé-suspension. Bien que cette précision brille par son absence dans le libellé les décisions du Conseil d'Etat, il est admis et couramment rappelé par ses rapporteurs publics que l'erreur de droit, quant au doute sérieux, pour être censurée en cassation, doit présenter un caractère "manifeste". Et ce, au point que "le Conseil d'Etat saisi en cassation peut être conduit, s'il n'a pas lui-même tranché la question au fond, à confirmer deux ordonnances de juges de référés donnant des interprétation divergentes d'un même texte pour en conclure, l'un à l'existence d'un doute sérieux et, l'autre, à son absence" (CE, 5 avril 2004, Commune du Pertuis, au Recueil, n° 261009).

C'est dire ainsi l'importance particulière attachée au strict respect du délai de convocation révélée discrètement par la décision (inédite) du 22 avril 2022.

Fabrice Sebagh et Juliette Thibaud (stagiaire)