30 janvier 2015 - Le juge apprécie souverainement si l’honoraire de diligence fixé par l’avocat revêt un caractère dérisoire - Mathieu Pagnoux et Denis Garreau

Par une décision du 15 janvier 2015 (Civ., 2ème 15 janvier 2015, pourvoi n°14-10981) qui intéressera particulièrement l’ensemble des confrères qui nous lisent, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a écarté le pourvoi formé par une société de production d’énergie contre la décision d’une cour d’appel de rejeter sa demande en nullité d’une convention d’honoraire.
En l’occurrence, une SCP d’avocats était intervenue à la demande de la société de production d’énergie pour mener des négociations  afin de fixer le tarif de l'énergie électrique produite et vendue par celle-ci.
Pour cela, ainsi que le rappelle l’arrêt commenté, le 22 juin 2011, le cabinet d’avocats a proposé à sa cliente de conclure avec elle une convention d’honoraire, prévoyant un honoraire de diligence pour un montant maximal de 860 € HT et un honoraire de résultat en cas d’achat par EDF de l’électricité produite, au-delà d’un tarif de 42 centimes d’euro par kWh, à hauteur de 8% des sommes correspondantes, calculées sur la durée du contrat, soit 20 ans.
Cette convention a été acceptée et signée le jour même.
Les diligences de l’avocat ont permis à la société productrice d’énergie d’obtenir un tarif d’achat de son électricité, supérieur de 8 centimes d’euros/kWh au tarif que lui avait signifié initialement le ministère de l’écologie, soit un gain de 1.328.000 € sur 20 ans.
Suite à la réception de ce contrat, le cabinet d’avocats a adressé à sa cliente une première note d’honoraire correspondant aux honoraires de diligences convenus, soit 860 € HT, laquelle a été réglée.
Le cabinet a ensuite adressé une deuxième note d’honoraires d’un montant correspondant au premier tiers de son honoraire de résultat.
La société a refusé d’honorer cette dernière note, ce qui a conduit le cabinet d’avocats à saisir le bâtonnier.

Dans une ordonnance du 13 septembre 2012, le bâtonnier a taxé les honoraires dus à l’avocat à la somme correspondant au premier tiers de l’honoraire de résultat.
La société a interjeté appel et a soutenu que si l’honoraire de diligence pouvait être nettement inférieur au montant de l’honoraire complémentaire de résultat, le montant de l’honoraire de diligence ne devait pas être dérisoire au risque de requalifier la convention en pacte de quota litis.

La cour d’appel de Montpellier a rejeté ce moyen et confirmé l’ordonnance de taxe en énonçant dans un motif critiqué par le pourvoi :
« qu’il est admis que le montant de l’honoraire de résultat convenu peut dépasser celui de l’honoraire rémunérant les prestations effectuées, sans qu’une limite ou une proportion soit fixée à ce dépassement ».
La société s’est alors pourvue en cassation en soutenant, dans un moyen unique, qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel avait privé sa décision de base légale au regard de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971.
Le pourvoi reprochait ainsi à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si l’honoraire de diligence n’était pas purement formel et symbolique, dissimulant ainsi un pacte de quota litis prohibé par le texte susvisé.
Il est intéressant de noter que le pourvoi fondait son analyse sur la doctrine de l’ouvrage de MM. Ader et Damien, dans lequel il était soutenu :
« Attention toutefois à ne pas fixer un honoraire principal purement symbolique, la convention risquant alors, du fait de l’extrême faiblesse de la somme réclamée, d’être qualifiée de pacte de quota litis » (Règles de la profession d’avocat, Dalloz 2013/2014, p.527).

Pour sa part, dans son mémoire en défense, le cabinet d’avocats a rappelé, jurisprudence à l’appui, que pour mettre en œuvre le principe d’interdiction du pacte de quota litis, les juges du fond doivent constater que les honoraires n’ont été fixés qu’en fonction du résultat judiciaire.
Ainsi, dès lors qu’un honoraire de diligence a été fixé, l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ne prévoit pas que l’honoraire de résultat doive être inférieur à cet honoraire de diligence, ni même qu’il doit exister entre eux un rapport de proportionnalité.
En réalité, l’appréciation du caractère excessif d’un honoraire de résultat se fait par rapport au service rendu et non par comparaison avec l’honoraire de diligence, comme le prétendait le pourvoi (dans ce sens Civ. 2ème, 12 juin 2014, pourvoi n°13-18553).

La Cour de cassation a validé cette analyse et rejeté le pourvoi en décidant que :
« sous le couvert du grief non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion le pouvoir du premier président d'apprécier souverainement si l'honoraire de diligences revêt un caractère dérisoire ».
La Cour de cassation complète ainsi sa jurisprudence précitée du 12 juin 2014 en rappelant que lorsqu’ils appliquent l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, les juges du fond statuent souverainement sur le caractère dérisoire de l’honoraire de diligence.

Mathieu Pagnoux et Denis Garreau