28 janvier 2013 - L'article L. 1235-10 alinéa 3 du Code du travail organise-t-il une discrimination entre salariés ? - Marc Myre

Par un arrêt publié au Bulletin civil en date du 9 janvier 2013, la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'alinéa 3 de l’article L. 1235-10 du code du travail en ce qu’il prive les salariés licenciés dans le cadre d’une procédure collective de l’indemnité prévue à l’article L. 1235 -11, alinéa 2, du Code de travail en cas de nullité du licenciement pour défaut de plan de sauvegarde alors que les salariés d’une société in bonis en bénéficient.
 
La question est donc de savoir si l’alinéa 3 de l’article L.1235-10 du Code du travail est conforme à la Constitution au regard de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 qui établit le principe d’égalité des citoyens devant la loi.
 
Il faut en effet rappeler que les conditions de licenciement pour motif économique de plus de dix salariés sur une période de trente jours, dans une entreprise de plus de cinquante salariés, sont strictement identiques que ce licenciement ait lieu dans le cadre d’une procédure collective, ou dans une société in bonis.
 
Pourtant, lorsque la procédure de licenciement est illicite parce que le plan de sauvegarde est insuffisant ou inexistant, l’article L 1235-10 du code du travail prévoit pour chacune des deux catégories de salariés une sanction différente de l’illiceité du licenciement emportant des conséquences juridiques différentes.
 
La salariée requérante soutenait que la seule différence qui amène le législateur à traiter différemment les salariés tient au fait que le licenciement est mis en œuvre par un employeur en situation de liquidation judiciaire ou de redressement judiciaire.
Or aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :
« La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».
Dès lors le principe d’égalité s’oppose à ce que le législateur règle de façon différente des situations identiques.
De leur côté, le mandataire liquidateur et l’UNEDIC soutenaient au contraire que la situation des salariés des sociétés en faillite et celle des autres salariés ne sont pas similaires, les salariés d’une société en faillite pouvant de surcroît bénéficier d’une indemnisation prévue par l’article L 1233-58 du Code du travail en cas d’insuffisance ou d’inexistence du plan social.
 
La Cour de cassation a décidé de transmettre cette question au Conseil Constitutionnel et de signifier l’importance qu’elle accorde à sa décision en la publiant au Bulletin. Il appartiendra donc au Conseil Constitutionnel de déterminer si la différence de traitement ainsi organisée par le texte en cause, a un rapport direct avec le but poursuivi par le législateur.

Marc Myre