26 septembre 2014 - Qui peut faire opposition ? - Olivia Feschotte-Desbois

Par un important arrêt du 4 septembre 2014 (pourvoi n° 13-16703) destiné à la publication au Bulletin, la Cour de cassation rappelle,

  • d'une part, que le délai de pourvoi en cassation ne court, à l'égard des arrêts rendus par défaut, que du jour où l'opposition n'est plus recevable et que seule la partie qui, citée à personne, n'a pas comparu, est recevable à former opposition,
  • d'autre part, que l'opposition remettant en question, devant le même juge, les points jugés par défaut pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit, la cour d'appel ne peut déclarer l'opposition recevable sans se prononcer sur le fond du litige.
Les faits ayant donné lieu à cet arrêt peuvent être résumés ainsi.

Un jugement ordonne l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de deux époux dont les héritiers sont en litige. L'une des héritières, Mme X, fait appel. Aucun des trois cohéritiers intimés ne comparaît devant la cour d'appel. Sur les trois, seuls deux, dont M. Y sont assignés à personne.
L'arrêt est donc rendu par défaut le 18 novembre 2010.

M. Y forme opposition contre l'arrêt. Par un arrêt du 14 février 2013 à nouveau rendu par défaut, la cour d'appel déclare recevable l'opposition formée par M. Y, dès lors qu'il était défaillant lors de la précédente instance, mais elle la juge mal fondée, dès lors que ce dernier ne donne aucune indication sur les raisons pour lesquelles, bien que cité à personne, il n'a pas constitué avoué devant la cour d'appel pour défendre ses intérêts.
M. Y forme un premier pourvoi contre cet arrêt, dans le délai de deux mois de la signification qui lui est faite de l'arrêt. Mais cette signification étant irrégulière en ce qu'elle ne fait pas mention du délai d'opposition, M. Y fait procéder à une nouvelle signification de l'arrêt puis, une fois écoulé le délai d'opposition ouvert par cette signification, forme un second pourvoi.
Ces deux pourvois reprochent en termes identiques à la cour d'appel d'avoir déclaré l'opposition de M. Y recevable mais non fondée.

Le premier pourvoi est, en vertu d'une jurisprudence bien établie (3e Civ., 23 novembre 2011, pourvoi n°10-10788, Bull. 2011, III, n°201 ; 2e Civ., 22 février 2012, pourvoi n°11-10334, Bull. II n°34 ; Com. 26 mars 2013, pourvoi n°11-21060, Bull IV, n°50 ; 3e Civ., 14 mai 2013, pourvoi n°12-13030), déclaré irrecevable au visa de l'article 613 du code de procédure civile, dès lors que le délai d'opposition n'était pas purgé au moment où le pourvoi avait été inscrit.
La Cour de cassation rappelle le principe suivant lequel le délai de pourvoi en cassation ne court, à l'égard des décisions rendues par défaut, même pour les parties qui  ont comparu devant les juges du fond, qu'à compter du jour où l'opposition n'est plus recevable. Il appartient donc au demandeur au pourvoi de justifier que le délai d'opposition est expiré lors de l'inscription de son pourvoi.

Le second pourvoi est en revanche accueilli, la cassation étant prononcée au visa de l'article 572 alinéa 1er du code de procédure civile.
La Cour de cassation rappelle que l'opposition remet en question, devant le même juge, les points jugés par défaut pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. Elle censure donc l'arrêt d'appel pour avoir déclaré l'opposition recevable sans se prononcer sur le fond du litige. C'est là une conséquence de l'effet dévolutif de l'opposition : dès l'instant où l'opposition est recevable, le juge est tenu de se prononcer à nouveau en fait et en droit.

Enfin, la Cour de cassation accueille le pourvoi incident éventuel formé par Mme X, qui reprochait à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'opposition formée par M. Y contre l'arrêt du 18 novembre 2010.
Au visa de l'article 571 du code de procédure civile, la Cour de cassation énonce que n'est pas recevable à former opposition la partie qui, citée à personne, n'a pas comparu.
Par conséquent, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt mais sans renvoi, puisqu'elle déclare irrecevable l'opposition formée par M. Y à l'arrêt de la cour d'appel du 18 novembre 2010.
Sur ce second point, l'arrêt de la Cour de cassation permet de bien faire la distinction entre partie non comparante et partie défaillante. Cette clarification est bienvenue, dès lors, d'une part, que ni l'article 571, selon lequel l'opposition n'est ouverte qu'au défaillant, ni la doctrine, ne précisent si le défaillant doit s'entendre de celui qui n'a pas comparu ou de celui qui n'a pas comparu et qui n'a pas été cité à personne. Un arrêt isolé de la chambre commerciale du 15 juin 2010 (pourvoi n°09-67057), non publié, avait considéré qu'un défendeur défaillant mais cité à personne pouvait, au même titre que le défendeur défaillant mais non cité à sa personne, frapper l'arrêt rendu par défaut d'opposition.
Le défaillant, auquel l'opposition est seule ouverte, est donc celui qui n'a pas comparu et n'a pas été cité à personne.

Olivia Feschotte-Desbois