Par l’arrêt n°
353252 du 30 décembre 2014, le Conseil d’Etat censure le
jugement du Tribunal administratif de Melun qui s’était fondé, pour rejeter une demande indemnitaire liée à un refus de concours de la force publique, sur l’absence de production d’un justificatif de la notification d’un commandement de quitter les lieux alors que le Préfet ne contestait pas que cette formalité avait été régulièrement accomplie.
Les faits à l’origine de l’affaire étaient simples.
Paris-Habitat OPH avait saisi le Tribunal administratif de Melun d’une demande indemnitaire pour la réparation des préjudices subis du fait du refus de concours de la force publique qui lui avait été opposé, par l’Etat, pour l’expulsion d’un local lui appartenant.
Alors que ce point n’était pas contesté par l’Etat, le Tribunal administratif avait prescrit une mesure d’instruction pour que lui soit communiqué le justificatif de la notification, par le bénéficiaire, au Préfet, du commandement de quitter les lieux et la date à laquelle cette formalité a été accomplie.
Les parties (et plus précisément Paris-Habitat) n’avaient pas donné suite à cette mesure d’instruction et le Tribunal administratif, par son
jugement du 15 juillet 2011, avait pris argument de l’absence de production de la copie du commandement de quitter les lieux pour rejeter la demande indemnitaire.
Paris Habitat a alors saisi le Conseil d’Etat d’un
pourvoi en cassation de ce
jugement.
Par l’arrêt du 30 décembre 2014, le Conseil d’Etat pose d’abord, dans le considérant n° 3, la règle selon laquelle, en l’absence de contestation, par l’Etat, de sa responsabilité, le juge, saisi d’une demande d’indemnisation au titre d’un refus de concours de la force publique, n’est pas tenu de procéder à une mesure d’instruction pour vérifier que le bénéficiaire du
jugement d’expulsion a notifié au Préfet le commandement de quitter les lieux et la date à laquelle il a accompli cette formalité.
Il ajoute ensuite que si le juge décide néanmoins de procéder à une telle mesure d’instruction, il lui appartient alors de lui donner un caractère
contradictoire en l’adressant tant au requérant qu’au représentant de l’Etat.
Le Conseil d’Etat précise enfin que c’est seulement si l’Etat affirme que le commandement ne lui a pas été notifié ou qu’il l’a été moins de deux mois avant la réquisition de la force publique que l’absence de production, par le propriétaire, d’un justificatif apportant la preuve contraire, permet au juge de retenir que la réquisition était irrégulière ou prématurée et d’en tirer des conséquences en ce qui concerne l’engagement de la responsabilité de l’Etat. En d’autres termes, l’absence de production du justificatif de la notification du commandement de quitter les lieux ne pourra fonder la décision retenue par le juge que si l’Etat a soutenu que le commandement ne lui a pas notifié. A défaut, le juge administratif ne pourra pas se fonder sur cette absence de production pour rejeter la demande indemnitaire.
Faisant application de ces solutions, le Conseil d’Etat relève que le Tribunal administratif de Melun, pour rejeter les conclusions indemnitaires de Paris Habitat OPH, avait jugé que cette demande ne pouvait être regardée comme étant régulièrement présentée dès lors qu’en dépit d’une mesure d’instruction qu’il avait diligenté, les intéressés n’avaient pas versé au dossier le justificatif de la notification au Préfet préalablement à la réquisition de la force publique d’une copie du commandement de quitter les lieux délivré aux occupants du bien.
Il en déduit qu'en se fondant sur l’absence de production d’un justificatif de la notification de la copie du commandement, alors que l’Etat ne contestait pas que cette formalité avait été régulièrement accomplie, le Tribunal administratif de Melun a entaché son
jugement d’une erreur de droit.
Pour ce motif, le Conseil d’Etat annule le
jugement le Tribunal administratif de Melun et renvoie l’affaire devant cette
juridiction.
Patrick Chauvin et
Denis Garreau