23 déc. 2022 - Urbanisme : le recours contre un refus de constater la péremption d’un permis de construire ne peut faire l'objet d'un appel en zone tendue - F. Sebagh et J. Thibaud

L’arrêt de non-admission ici commenté (CE, 22 novembre 2022, n°461869, aux Tables) aurait pu passer inaperçu mais, fait suffisamment rare pour être relevé, cette décision fait l’objet d’une mention aux Tables du Recueil Lebon, le fichage portant sur un point de procédure relatif au champ d’application matériel de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative, lui conférant ainsi une portée toute autre.

En l’espèce, par un arrêt rendu le 17 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a procédé au rejet d’une demande tendant à l’annulation d’une décision du 25 février 2020 par laquelle le maire de Paris a refusé de constater la péremption d’un permis de construire délivré le 30 juin 2014.
Le syndicat de copropriétaires requérant a interjeté appel de ce jugement devant la cour administrative de Paris.
La cour administrative d’appel s’est cependant estimée incompétente en vertu des dispositions de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative, et a transmis le recours au Conseil d’Etat.

L’article R.811-1-1 du code de justice administrative prévoit en effet que l’appel est supprimé à titre dérogatoire et temporaire contre certains recours en matière d’urbanisme. Il a pour objectif, «  dans les zones où la tension entre l'offre et la demande de logements est particulièrement vive, de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d'opérations de construction de logements ayant bénéficié d'un droit à construire » (point 2 de la décision).

La présente affaire était donc l’occasion pour le Conseil d’Etat de préciser si le recours contre un refus de constater la péremption d’un permis de construire entrait dans le champ d’application de ces dispositions.

Confirmant la solution retenue par la cour d’appel, le Conseil d’Etat énonce que ces dispositions  « doivent être regardées comme concernant non seulement les recours dirigés contre des autorisations de construire, de démolir ou d'aménager, mais également, lorsque ces autorisations ont été accordées, les recours dirigés contre les décisions refusant de constater leur péremption.
Le Conseil d’Etat est, par suite, compétent pour connaître du jugement rendu en premier et dernier ressort par le tribunal administratif de Paris » (point 2 de la décision).

Comme expliqué dans un commentaire de la décision, « cette solution se comprend aisément puisque le refus de constater la caducité d'une autorisation a nécessairement pour effet de la confirmer »[1].

C’est donc une interprétation finaliste des dispositions de l’article R. 811-1-1 du CJA qui est retenue, dans la continuité des solutions précédemment dégagées[2].

Il est à souligner que cet arrêt a été rendu sous l’empire du régime antérieur au décret n°2022-929 du 24 juin 2022, qui modifie substantiellement les dispositions de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative[3]. Toutefois, la doctrine ne semble pas voir d’obstacle « à ce que la solution dégagée soit transposée au régime nouveau »[4].
 
 
Fabrice Sebagh et Juliette Thibaud


[1] « Recours contre le refus de constater la péremption d'un permis : un circuit court en zone tendue », Les Editions législatives, 25 novembre 2022
[2] Même solution pour les recours contre un refus de constater la caducité d’un permis de construire (CE, 17 mars 2017, n°403768, aux Tables), une décision de retrait d’une autorisation de construire (CE Sect., 5 mai 2017, n°391925), ou encore un refus de retirer une autorisation de construire (CE, 26 avril 2022, 452695, aux Tables)
[3] Études — Dictionnaire permanent Construction et urbanisme, Dalloz 2022
[4] « Recours contre le refus de constater la péremption d'un permis : un circuit court en zone tendue », Les Editions législatives, 25 novembre 2022