Par un arrêt du 23 septembre 2015 qui sera publié au bulletin (Crim. 23 septembre 2015, p n°
15-83.991), la chambre criminelle s’est prononcée sur deux questions importantes en matière d’extradition, l’une tenant à la procédure devant la chambre de l’instruction chargée de donner son avis, l’autre à l’office du juge.
En premier lieu, elle a affirmé explicitement que les dispositions de l’article 197, alinéa 2, du code de procédure pénale ne sont pas applicables lorsque la chambre de l’instruction statue en matière d’extradition en application des articles 696-13 et 696-15 du même code.
Il sera rappelé que l’article 197 prévoit, en son deuxième alinéa, qu’en toute matière à l’exception de la détention provisoire, un délai minimum de cinq jours doit être observé entre la date d’envoi de la lettre recommandée portant notification par le Parquet aux parties de la date à laquelle l’affaire sera appelée à l’audience et celle de l’audience. De jurisprudence constante, la chambre criminelle retient que le délai minimum prévu par l’alinéa 2 de l’article 197 est prescrit à peine de nullité dès lors que ce texte a pour objet de préserver les droits de la défense (Crim. 2 avril 1992, Bull. crim. n°139 ; Crim. 13 mai 1998, Bull. crim. n°161 ; Crim. 7 juillet 2005, Bull. crim. n°203 ; Crim. 4 mars 2009, p n°
08-88407 ; Crim. 3 juin 2014, p n°
14-81.729 ; Crim. 29 octobre 2014, p n°
14-85.939).
La chambre criminelle avait néanmoins déjà eu l’occasion de préciser que cette disposition n’est pas applicable lorsque la
juridiction statue en matière de mandat d’arrêt européen (Crim. 14 septembre 2005, Bull. crim. n°228 ; Crim. 29 mars 2006, p n°
06-81183 ; Crim. 30 mars 2011, p n°
11-81035).
En matière d’extradition, sous l’empire de la loi du 10 mars 1927 abrogée par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004, la
Cour de cassation avait considéré que les dispositions de l’article 14 de la loi n’étaient pas compatibles avec celles de l’article 197 du code de procédure pénale, plus spécialement dans ses alinéas 1 et 2 (Crim. 24 juin 1986, Bull. crim. n°222).
Dans son arrêt du 23 septembre 2015, la chambre criminelle a ainsi reconduit cette solution au regard des dispositions des articles 696-13 et 696-15 du code de procédure pénale et a rejeté le moyen tiré de la violation de l’article 197 du même code.
En outre, à l’occasion de ce même arrêt, elle a rappelé l’obligation pour la chambre de l’instruction chargée de donner son avis sur une demande d’extradition de vérifier si, au regard de la loi de l’Etat requérant et au regard du droit français, la prescription de l’action publique et celle de la peine ne se sont pas trouvées acquises.
En effet, aux termes de l’article 696-4 5° du code de procédure pénale, l’extradition n’est pas accordée lorsque, d'après la loi de l'Etat requérant ou la loi française, la prescription de l'action s'est trouvée acquise antérieurement à la demande d'extradition, ou la prescription de la peine antérieurement à l'arrestation de la personne réclamée et d'une façon générale toutes les fois que l'action publique de l'Etat requérant est éteinte.
A plusieurs reprises, la
Cour de cassation a cassé des décisions de chambre de l’instruction n’ayant pas recherché si la prescription de l’action publique et celle de la peine n’étaient pas acquises au regard de la loi de l’Etat requérant et de la loi française (Crim. 4 janvier 2006, Bull. crim. n°6 ; v. également Crim. 15 février 2006, p n°
05-87.070 ; Crim. 9 avril 2008, p n°
08-80.968 ; Crim. 18 août 2010, p n°
10-83.807 ; Crim. 11 juin 2013, p n°
13-82.059 ; Crim. 23 juillet 2014, p n°
14-83390 ; Crim. 1er avril 2015, p n°
15-80.302).
Si l’arrêt du 23 septembre 2015 se situe dans le prolongement de cette jurisprudence constante, la chambre criminelle y apporte néanmoins une précision importante en affirmant que la chambre de l’instruction doit procéder à cette vérification au besoin d’office. En l’espèce, l’avocat de la personne susceptible d’être extradée vers l’Ukraine n’avait pas soulevé de moyen tiré de la prescription de l’action publique devant la chambre de l’instruction. L’arrêt attaqué ne contenait, quant à lui, aucun motif relatif à la prescription.
Au visa des articles 10 de la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 et 696-15 du code de procédure pénale, la chambre criminelle a cassé l’arrêt attaqué de la chambre de l’instruction qui, en que celle-ci n’a pas vérifié, au besoin d’office, si la prescription de l’action publique ne s’était pas trouvée acquise au regard des lois ukrainienne et française, ne remplit les conditions essentielles de son existence légale.
Léa Mary