La
Cour de cassation a publié, le 8 juillet 2016, son
Rapport d’activité pour l’année 2015. A l’aune de la réforme annoncée de la procédure d’appel, les hauts magistrats ont formulé un certain nombre de propositions à l’attention de la chancellerie, comme leur permet l’article
R. 431-10 du code l'organisation judiciaire. Sont présentées ici, les suggestions les plus emblématiques effectuées par la Cour.
Tout d’abord, après s’être interrogée sur la pertinence du maintien du
contredit de compétence dans son rapport d’activité de l’année 2014, la Cour régulatrice suggère désormais de le supprimer.
Cette voie de recours est la seule ouverte lorsque «
le juge se prononce sur la compétence sans statuer sur le fond du litige (…)
quand bien même le juge aurait tranché la question de fond dont dépend la compétence » (article 80 du code de procédure civile).
Dans un souci de cohérence et d’efficacité, la
Cour de cassation propose que l’appel se substitue au contredit. En effet, le
Rapport fait observer que ce dernier a perdu sa spécificité dès lors qu’il se distingue difficilement de l’appel mais également qu’il est devenu source d’erreur pour les parties. Le prochain décret de procédure civile relatif à la procédure d’appel devrait donc consacrer sa disparition (
Rapport annuel 2015, pp. 45-47).
Cette recherche de la cohérence procédurale est également de mise s’agissant de la proposition visant à modifier les dispositions de l’article 526 du code de procédure civile. Ce texte prévoit la
radiation d’une affaire lorsque l’appelant n’a pas exécuté la décision frappée d’appel. Se pose alors la question de savoir quelle est la conséquence de l’ordonnance de radiation sur le
délai de péremption.
Dans le cas du
pourvoi en cassation, l’article 1009-2 du code de procédure civile dispose que lorsque le demandeur n’a pas exécuté l’arrêt attaqué (V.
N. Etcheverry, Précisions sur la procédure de radiation du rôle devant la Cour de cassation),
« le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation ». Néanmoins, rien de tel n’est prévu à l’article 526 du code de procédure civile de sorte qu’il est fait application du droit commun de l’article 392 du même code, en vertu duquel la radiation ne suspend pas le délai de péremption de l’instance (2
e Civ., 21 février 2013, pourvoi n°
11-28.632,
Bull. 2013, II). Cette solution, pour conforme qu’elle soit aux dispositions du code de procédure civile, n’en est pas moins insatisfaisante au regard de l’effectivité du droit d’appel ainsi que le fait observer la
cour de cassation, depuis 2012, dans ses
rapports : le fait que seule une démarche accomplie par une partie manifestant la volonté certaine de poursuivre l’instance et de faire progresser l’affaire puisse interrompre l’instance est inadapté à la radiation pour inexécution «
qui sanctionne l’inexécution d’une décision que l’appelant entend justement pouvoir contester en la déférant à la cour d’appel » (
Rapport annuel 2012
, pp. 45-46).
C’est pourquoi il est une nouvelle fois proposé d’aligner le régime de l’article 526 du code de procédure civile sur celui de l’article 1009-2 du même code ; la chancellerie y serait favorable (
Rapport annuel 2015, p. 42).
Enfin, depuis la réforme de la Cour d’appel, les compétences exclusives du conseiller de la mise en état se sont étendues de manière substantielle. La
Cour de cassation souhaite d’ailleurs qu’il soit à nouveau procédé à une extension de ses domaines d’intervention (
Rapport annuel 2015, pp. 71-72). Dès lors que nombre d’ordonnances du conseiller de la mise en état bénéficient désormais de l’autorité de la chose jugée au principal (
nous avions déjà eu l’occasion d’évoquer la question dans un précédent article), le
Rapport affirme que le
déféré constitue un mécanisme procédural essentiel. Pour autant, dans le silence de l’article 916 du code de procédure civile, ce dernier n’est soumis à
aucun formalisme (V. 2
e Civ., 16 mai 2013, pourvoi n°
12-18550 ; 2
e Civ., 26 juin 2014, pourvoi n°
13-11.635,
Bull. 2014, II).
Ainsi que le mentionne le
Rapport 2015, ce paradoxe est source d’insécurité juridique lorsque la cour d’appel n’identifie pas l’existence de ce déféré, ou d’allongement de la procédure dans l’hypothèse où la cour d’appel le découvre tardivement. C’est la raison pour laquelle un formalisme impliquant que le déféré soit présenté par une requête
« précisant notamment son objet, l’affaire considérée, la décision déférée, et les motifs invoqués par le requérant » (
Rapport annuel 2015, p. 45) est préconisé. Le
Rapport précise que la direction des affaires civiles et du sceau est favorable à une telle proposition.
Denis GARREAU et Guillaume LEROY (stagiaire)