Par un arrêt du 9 janvier dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour non-respect du droit à un procès équitable en violation de l’article 6§1 de la Convention (
71658/10).
Le requérant – poursuivi pour des infractions sexuelles - critiquait la décision de la
Cour de cassation en date du 30 avril 2010, de rejeter, par le biais d’un arrêt de non-admission, le pourvoi qu’il avait formé contre l’arrêt de la Chambre de l’instruction ayant confirmé le rejet de sa demande de mainlevée partielle de son contrôle judiciaire.
La non-admission dudit pourvoi était intervenue pour non respect du délai pour se pourvoir en cassation (fixé à 5 jours francs par l’article 568 du Code de procédure pénale). Plus précisément : l’arrêt de la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Rennes était intervenu le 12 février 2010. Le 16 février 2010, d’après le cachet de la Poste, la cour d’appel de Rennes adressait au requérant un courrier recommandé portant la mention « Aud. 12/02/2010 Ch. Instr. 2010/00028 ». Le 19 février 2010, le requérant formait un
pourvoi en cassation contre l’arrêt de la chambre de l’instruction.
Précisons qu’en matière d’arrêt rendu par une chambre d’instruction, la
Cour de cassation, s’appuyant sur le fait que les textes font état d’une notification par lettre recommandée et non d’une lettre recommandée avec accusé de réception (article 183 du Code de procédure pénale), juge que le délai court à compter de l’expédition de la notification et non de sa réception par le destinataire (Cass. crim. 12 janvier 1988, Bull. crim. n° 12 ;
28 octobre 2003, n° 02-88.418). Au surplus, elle retient comme date d’expédition de la notification, non la date de remise du pli aux services postaux mais la date apposée par le greffier comme étant celle où il a accompli cette formalité et peu important que cette date ne soit pas elle-même portée à la connaissance du destinataire de la notification (
Cass. crim. 14 octobre 2003, n° 03-81.738).
La Cour européenne des droits de l'homme rappelle donc que la réglementation relative aux formalités et aux délais à respecter pour former un recours qui vise une bonne administration de la justice, ou l'application qui en est faite, ne devrait pas empêcher le justiciable d'utiliser une voie de recours disponible.
Se référant à sa jurisprudence Gruais et Bousquet dans laquelle elle a jugé que la prise en compte de la date de notification inscrite sur l’arrêt d’appel, qui ne correspondait pas à la date effective d’envoi telle qu’attestée par le cachet de la Poste, avait eu pour effet de réduire le délai particulièrement bref (cinq jours francs, soit six jours au maximum) dont disposaient les requérants pour former leur pourvoi (n°
67881/01 §§ 29-30), la Cour européenne constate qu’en l’espèce, la
Cour de cassation a également retenu la date de notification inscrite sur l’arrêt et non celle de l’envoi effectif de cette notification telle qu’attestée par le cachet de la poste.
Dès lors que ces modalités de computation méconnaissent le droit d’accès à un tribunal, elle conclut à la violation de l’article 6§1 de la convention.
Catherine Bauer-Violas