13 décembre 2013 - Application de l’estoppel à la prorogation du délai d’arbitrage et portée de l’intangibilité de la sentence arbitrale - Delphine Archer

En matière d’arbitrage, un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 11 septembre 2013 (pourvoi n° 12-26180), publié au Bulletin d’information ainsi qu’au Bulletin des arrêts de la Cour, mérite tout particulièrement d’être signalé.
 
La Cour de cassation y a tranché successivement les deux questions relatives au droit de l’arbitrage soulevées par l’auteur du pourvoi, dans le contexte d’un litige portant sur une cession de droits sociaux assortie d’une clause compromissoire.
 
  • La première question soumise à la Cour de cassation concernait la prorogation du délai d’arbitrage.
Selon l’article 1463 du code de procédure civile, en l’absence d’accord des parties sur ce point, le délai d’arbitrage ne peut excéder six mois, sauf prorogation conventionnelle ou par le juge d’appui.
Dans l’affaire soumise à la Cour, faute de précision insérée dans la clause compromissoire, la procédure d’arbitrage ne devait pas en principe excéder six mois. Mais ce délai avait expiré sans qu’aucune des parties ne s’en soit plainte.
Pourtant, l’une d’elles s’était emparée de ce moyen à l’appui de son recours en annulation de la sentence comme étant entachée d’irrégularité en raison du dépassement du délai de six mois.
 
La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir déclaré l’auteur du recours irrecevable à se plaindre, au titre de l’expiration de ce délai de six mois dès lors que, par son comportement, elle a, de façon non équivoque, renoncé à s’en prévaloir en participant à la procédure d’arbitrage en connaissance de cause.
Cette solution est une illustration du principe d’estoppel dont le droit de l’arbitrage paraît être un terrain privilégié (v. par ex : Cass. Civ. 1ère, 6 mai 2009, pourvoi n° 08-10281, Bull. I n° 86). Sur ce point, l’arrêt, bien qu’intéressant, n’innove pas vraiment, sauf à illustrer l’idée que la prorogation du délai d’arbitrage puisse être tacite.
 
  • L’apport de l’arrêt est davantage marqué en revanche s’agissant de la réponse apportée au second moyen.
Etait débattue la question de savoir si la cour d’appel, saisie d’une action en annulation d’une sentence arbitrale, pouvait, après avoir accordé l’exequatur à la sentence, assortir la condamnation prononcée par le tribunal arbitral des intérêts au taux contractuellement stipulé dans l’accord en litige.
 
Sur ce point, l’arrêt est censuré au visa des articles 1487, alinéa 1er et 1498, alinéa 2 du code de procédure civile. En effet, selon la Cour de cassation, la cour d’appel ne pouvait, à l’occasion du recours en annulation de la sentence dont elle était saisie, modifier la décision rendue par l’arbitre en y ajoutant, ce qu’elle a fait en assortissant la sentence des intérêts au taux contractuel, portant ainsi atteinte au principe d’intangibilité de la sentence arbitrale.
 
Cette solution, clairement énoncée pour la première fois par la Cour de cassation, se distingue de celle retenue à propos des intérêts de l'article 1153-1 du code civil, la cour d’appel saisie d’un recours en annulation pouvant assortir la condamnation prononcée par la sentence arbitrale déférée des intérêts légaux (Cass. Civ. 1ère, 30 juin 2004, pourvois n° 01-10269 et 01-11718, Bull. I n° 189).

Delphine Archer