La chambre criminelle a tenu le 14 septembre une audience sur le pourvoi formé par huit militants de l’association Greenpeace, condamnés pour avoir escaladé la grue surplombant Notre-Dame pour y déployer le message « Climat : aux actes ! ».
Ce pourvoi s’inscrit dans la ligne des arrêts du 18 mai 2022 rendus à propos des décrocheurs du portrait du Président de la République, dans lesquels la chambre criminelle précisait la méthode et les éléments à prendre en considération pour mettre en œuvre le contrôle de proportionnalité permettant de neutraliser une incrimination en raison de l'atteinte qu'elle porterait à la liberté d’expression (Crim., 18 mai 2022, n° 21-86685 ; 21-86647 et 20-87272)[1].
La décision qu’elle rendra le 12 octobre 2022 pourrait permettre à la Cour de cassation d’étoffer sa jurisprudence en la matière, et lui donne par ailleurs une occasion de mettre en adéquation sa méthodologie avec celle, très stricte, fixée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
En effet, si la cassation est encourue, au vu du rapport et des conclusions de l’avocat général, sur des motifs disciplinaires tenant à l’insuffisance de motivation et à l’illégalité du refus de statuer sur la constitution de partie civile et sa recevabilité, c’est surtout sur la question de l’atteinte disproportionnée à la liberté d’expression des militants écologistes que l’arrêt est attendu.
Récemment, la Cour européenne, dans son arrêt Bumbes c/ Royaume Uni du 3 mai 2022 (n° 18079/15), a jugé qu'un projet d'extraction d'or et d'argent sur un site appartenant au patrimoine de l'Unesco est un sujet d'intérêt général relevant d'un discours public et que la condamnation à une amende d'un militant pour manifestation non autorisée qui s'est menotté aux barrières du bâtiment du gouvernement pour attirer l'attention sur les dangers du projet minier a porté atteinte à son droit d’expression garanti par l'article 10 § 1 de la convention. L’article 10 trouve ainsi à s’appliquer à des comportements traduisant l’expression de vues ou d’opinions.
En l’espèce, les éléments retenus par la cour d’appel pour affirmer que la condamnation des militants à une amende de 500 euros ne constituait pas une ingérence disproportionnée tenaient aux conséquences de l’action sur le chantier de restauration qui avait dû être stoppé. Cependant, aucune dégradation n’avait été constatée, les militants ayant eux-mêmes décroché la banderole et s’étant laissés interpeller sans opposer la moindre résistance.
Reste donc à savoir si ces éléments seront jugés suffisants par la chambre criminelle pour caractériser les « raisons impérieuses » imposées par la Cour européenne des droits de l’homme pour justifier l’ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression.
Catherine Bauer-Violas et Juliette Thibaud (stagiaire)
Ce pourvoi s’inscrit dans la ligne des arrêts du 18 mai 2022 rendus à propos des décrocheurs du portrait du Président de la République, dans lesquels la chambre criminelle précisait la méthode et les éléments à prendre en considération pour mettre en œuvre le contrôle de proportionnalité permettant de neutraliser une incrimination en raison de l'atteinte qu'elle porterait à la liberté d’expression (Crim., 18 mai 2022, n° 21-86685 ; 21-86647 et 20-87272)[1].
La décision qu’elle rendra le 12 octobre 2022 pourrait permettre à la Cour de cassation d’étoffer sa jurisprudence en la matière, et lui donne par ailleurs une occasion de mettre en adéquation sa méthodologie avec celle, très stricte, fixée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
En effet, si la cassation est encourue, au vu du rapport et des conclusions de l’avocat général, sur des motifs disciplinaires tenant à l’insuffisance de motivation et à l’illégalité du refus de statuer sur la constitution de partie civile et sa recevabilité, c’est surtout sur la question de l’atteinte disproportionnée à la liberté d’expression des militants écologistes que l’arrêt est attendu.
Récemment, la Cour européenne, dans son arrêt Bumbes c/ Royaume Uni du 3 mai 2022 (n° 18079/15), a jugé qu'un projet d'extraction d'or et d'argent sur un site appartenant au patrimoine de l'Unesco est un sujet d'intérêt général relevant d'un discours public et que la condamnation à une amende d'un militant pour manifestation non autorisée qui s'est menotté aux barrières du bâtiment du gouvernement pour attirer l'attention sur les dangers du projet minier a porté atteinte à son droit d’expression garanti par l'article 10 § 1 de la convention. L’article 10 trouve ainsi à s’appliquer à des comportements traduisant l’expression de vues ou d’opinions.
En l’espèce, les éléments retenus par la cour d’appel pour affirmer que la condamnation des militants à une amende de 500 euros ne constituait pas une ingérence disproportionnée tenaient aux conséquences de l’action sur le chantier de restauration qui avait dû être stoppé. Cependant, aucune dégradation n’avait été constatée, les militants ayant eux-mêmes décroché la banderole et s’étant laissés interpeller sans opposer la moindre résistance.
Reste donc à savoir si ces éléments seront jugés suffisants par la chambre criminelle pour caractériser les « raisons impérieuses » imposées par la Cour européenne des droits de l’homme pour justifier l’ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression.
Catherine Bauer-Violas et Juliette Thibaud (stagiaire)
[1] S. Pellé, « Contrôle de proportionnalité et droit pénal : quelle « doctrine » de la chambre criminelle ? », Recueil Dalloz 2022 p.1186
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