La solution est assez rare pour être notée. Par une décision du 9 décembre 2015 (
n°381349), le Conseil d'Etat a censuré deux arrêts d'une Cour administrative d'appel pour erreur de fait.
Une commune avait conclu avec deux sociétés, qui souhaitaient réaliser un parc éolien, deux conventions dites "d'offres de concours" aux termes desquelles lesdites sociétés s'engageaient chacune à contribuer à hauteur de 150.000 euros au financement de divers travaux communaux.
Les offres de concours précisaient que l'exigibilité du paiement était suspendue à la présentation par la commune des factures aux sociétés.
Il était également prévu que les conventions seraient caduques dans un délai de six mois à compter de la mise en service du parc éolien.
En application de ces conventions, et afin d’obtenir le paiement des contributions, la commune a émis à l'encontre des deux sociétés le 5 octobre 2010, des titres de recettes, sans y joindre les factures requises.
La commune adressa finalement ces factures le 28 février 2011
Le 18 avril 2011, deux nouveaux titres exécutoires étaient émis à l'encontre des deux sociétés.
La cour administrative d'appel de Nancy, saisie de recours en annulation de ces deux titres exécutoires les a, par deux arrêts, annulés. Elle a d'abord relevé qu'en émettant des titres de recettes le 5 octobre 2010, la commune avait manifesté sa connaissance de la mise en service du parc éolien. Elle a également constaté que les factures n'étaient pas jointes aux titres de recettes, de sorte que ces titres de recettes ne pouvaient constituer une demande de paiement au sens des conventions d'offres de concours.
La Cour a ensuite annulé les titres exécutoires du 18 avril 2011 au motif qu'ils avaient été émis au-delà du délai de six mois à compter de la mise en service du parc éolien.
C'est cette solution qui est censurée par le Conseil d'Etat qui juge que la commune avait envoyé aux sociétés les factures le 28 février 2011, de sorte que la Cour ne pouvait juger que ces factures n'avaient été produites, pour la première fois, qu'à l'appui des titres exécutoires du 18 avril 2011.
La cour censure donc les arrêts pour erreur de fait, erreur qui, selon les termes du Professeur Chapus, sanctionne l'irréalité des faits pris en considération par les
juges du fond (R. Chapus, "Droit du
contentieux administratif", Montchrestien, 13
ème édition, 2008, n° 1432).
La solution retenue confirme que le Conseil d'Etat, juge de cassation, contrôle la matérialité des faits et il s'agit là d'une différence notable avec la
Cour de cassation qui n'exerce aucun contrôle et s'en remet à l'appréciation souveraine des
juges du fond.
Patrick Chauvin et
Catherine Bauer-Violas