Par deux décisions du 21 septembre 2020 (Etablissement public territorial Plaine Commune, ns°
426376 et
426393), le Conseil d’Etat, se prononçant sur une question nouvelle d’interprétation de la loi, a jugé que les indemnités de fonction des conseillers des établissements publics territoriaux («
EPT ») de la Métropole du Grand Paris («
MGP ») n’entraient pas dans le champ de l’enveloppe indemnitaire globale déterminée en fonction des maxima applicables au président et aux vice-présidents de l’EPT.
Le Conseil d’Etat était saisi d’un pourvoi dirigé contre un
arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles qui avait rejeté l’appel formé par l’EPT Plaine Commune contre le
jugement n° 1604449 du 2 février 2017 du Tribunal administratif de Montreuil annulant une délibération accordant des indemnités de fonctions aux conseillers territoriaux de l’établissement. L’annulation de cette délibération avait été demandée par le préfet de la Seine-Saint Denis, à l’instar de l’annulation de deux autres délibérations, objet d’un second litige avec une procédure similaire à celle exposée ci-dessus.
Les EPT ont été créés par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République : ce sont des établissements publics de coopération intercommunale («
EPCI ») sur le territoire de la MGP et qui regroupent l’ensemble des communes de la MGP à l’exception de Paris. A la différence des anciens EPCI qui existaient auparavant sur le territoire de la MGP, les EPT n’ont pas de fiscalité propre et perçoivent des ressources qui leur sont reversées par les communes membres de la MGP.
Par le biais des trois délibérations précitées, le conseil de territoire de l’EPT Plaine Commune avait fixé le montant de l’indemnité mensuelle des élus territoriaux. L’objet du litige portait sur les règles applicables aux indemnités de fonction des conseillers des EPT.
Les indemnités de fonction des conseillers territoriaux sont régies par l’article L. 5219-2-1 du code général des collectivités territoriales. Les indemnités maximales versées au président, aux vice-présidents et aux conseillers sont respectivement de 110%, 44% et 6% de l’indice brut terminal de l’échelle indiciaire de la fonction publique («
IB »). Le quatrième alinéa de l’article L. 5219-2-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que «
l’article L. 5211-12, à l’exception de son premier alinéa, est applicable aux indemnités des élus des établissements publics territoriaux ». Un renvoi est donc effectué notamment au deuxième alinéa de l’article L. 5211-12 du code général des collectivités territoriales qui définit pour l’ensemble des EPCI une «
enveloppe indemnitaire globale » composée de la somme de l’indemnité maximale versée au président et des indemnités maximales versées aux vice-présidents.
L’EPT Plaine Commune, dans les délibérations accordant des indemnités aux conseillers territoriaux, avait considéré que l’enveloppe indemnitaire globale de l’article L. 5211-12 du code général des collectivités territoriales ne s’appliquait qu’aux indemnités du président et des vice-présidents, et qu’ainsi il pouvait déterminer les indemnités des conseillers sans autre limite que le plafond individuel de 6% de l’IB.
C’est précisément sur ce point que portait la contestation du Préfet de Seine-Saint-Denis à l’égard des délibérations : l’Etat estimait que cette enveloppe s’appliquait à l’ensemble des indemnités des élus. Cette contestation a été accueillie favorablement par le tribunal administratif de Montreuil, une position validée ultérieurement par la cour administrative d’appel de Versailles.
Le moyen principal soulevé par le pourvoi était celui de l’erreur de droit à avoir interprété la loi comme appliquant l’enveloppe globale aux indemnités des conseillers territoriaux.
Dans ses conclusions, le
rapporteur public M. Laurent Cytermann, après avoir pointé du doigt «
l’ambiguïté » du renvoi de l’article L. 5219-2-1 du code général des collectivités territoriales, a retracé les différentes règles applicables concernant les indemnités des conseillers des EPCI. Il en a conclut que «
soit les indemnités attribuées aux conseillers sont facultatives, et elles sont alors comprises dans l’enveloppe globale calculée en fonction des maxima des fonctions exécutives ; soit ces indemnités sont de droit, et elles ne sont alors pas comprises dans cette enveloppe ».
Le législateur ayant attribué des indemnités de droit de l’ordre de 6% de l’IB aux conseillers des EPT par le biais de l’article L. 5219-2-1 du code général des collectivités territoriales, cela «
implique qu’elles ne soient pas sous enveloppe ».
Le Conseil d’Etat, suivant les conclusions du
rapporteur public, a jugé que «
le dispositif de l’enveloppe indemnitaire globale » constituait, notamment pour les EPT, «
un plafond uniquement pour les indemnités attribuées au présidents, vice-présidents et, lorsqu’elles sont facultatives, à certains conseillers » , ce plafond n’étant pas applicable «
aux indemnités prévues de droit par le code général des collectivités territoriales pour l’exercice effectif des fonctions de conseiller d’un établissement public territorial ».
Par conséquent, dans les deux affaires, le Conseil d’Etat a fait droit aux requêtes de l’EPT Plaine Commune et annulé les jugements de la cour administrative d’appel de Versailles et ceux du tribunal administratif de Montreuil. Et, statuant au fond, il a rejeté les demandes du Préfet de Seine-Saint-Denis.
Fabrice Sebagh,
Etienne Aubry et Noé Mathivet (stagiaire)