21 mai 2021 - L’obligation pour le juge de prendre en compte la preuve de la publication d’un acte réglementaire présentée après la clôture de l’instruction : après l’heure, c’est encore l’heure - F. Sebagh

Une récente affaire de droit de l’urbanisme a fourni au Conseil d’Etat (CE 1er avril 2021, Req. n°435629) l’occasion de préciser le régime des notes en délibéré.

Dans cette affaire, la Commune de Biarritz avait refusé le 13 février 2015 de délivrer à un pétitionnaire un permis d’aménager en vue de la création d’un lotissement de onze lots. Pour justifier ce refus, la Commune de Biarritz s’était prévalue du non-respect des dispositions d’une délibération du 17 décembre 2014 définissant les règles d’assainissement des constructions.
Après un recours gracieux infructueux (rejeté le 2 juin 2015), puis le rejet de sa demande devant le Tribunal administratif de Pau (décision du 19 septembre 2017), le pétitionnaire avait finalement obtenu de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qu’elle accueille sa demande d’annulation.

Dans le cadre des débats qui se sont tenus devant elle, la Cour administrative d’appel avait refusé de tenir compte d’une production présentée par la Commune de Biarritz pour démontrer que la délibération du 2 décembre 2014 avait bien été publiée, conformément aux exigences de l’article L 2131-1 du Code général des collectivités territoriales, et avait donc bien un caractère exécutoire.
En effet, cette délibération n’avait été produite que le 12 juillet 2019, soit près de deux mois après la clôture de l’instruction.
Saisi par la Commune de Biarritz, le Conseil d’Etat a prononcé la cassation de l’arrêt.

Le Conseil d’Etat, dans un considérant de principe, a retenu en effet :
« Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l’instruction, qu’il dirige, lorsqu’il est saisi d’une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S’il décide d’en tenir compte, il doit rouvre l’instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu’il doit en outre, analyser. Dans le cas particulier où les éléments attestant du caractère exécutoire d’un acte réglementaire ont été produits après la clôture de l’instruction, et alors même que les défendeurs étaient en mesure de les verser au  débat, avant cette clôture, le juge administratif ne peut régulièrement s’abstenir de tenir compte de ces éléments et retenir que l’acte règlementaire n’était pas opposable au motif de son absence de caractère exécutoire ».

Il ressort de ce motif que le juge est dans l’obligation de tenir compte d’un acte réglementaire régulièrement publié quel que soit le moment où la preuve de la publication est rapportée, et quand bien même elle aurait pu l’être avant la clôture, solution qui déroge sensiblement à l’état du droit antérieur (CE, 5 décembre 2014, Lassus, Req. n° 340943, dont il résulte que le juge ne doit tenir compte à peine d’irrégularité de sa décision, d’une production postérieure à la clôture de l’instruction que si celle-ci contient l’exposé d’une circonstance de fait ou de droit dont la partie l’invoquant n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire).

C’est la seconde fois que le Conseil d’Etat fait application de cette jurisprudence (CE, 8 juillet 2020, Req. n° 420570 mentionnée aux Tables du Recueil, contraire aux conclusions du rapporteur public).
A l’instar des commentateurs de la décision du 8 juillet 2020, il était possible d’imaginer que cette solution nouvelle serait cantonnée à la preuve de la publication des actes de délégation de signature (BJDU 6/2020, p. 467 et s.).
Il est maintenant avéré qu’elle concerne la preuve de la publication de tous les actes réglementaires.
 
Fabrice Sebagh